jeudi 13 juin 2013

Lex USA: entre lynchage et louanges, la presse hésite

Au lendemain de l'acceptation par le Conseil des Etats de la Lex USA, le cœur de la presse balance entre critiques et louanges des élus qui ont fait basculer le vote en faveur de l'accord américain. Revue de presse. On la croyait condamnée, elle a été finalement sauvée. Le Conseil des Etats a accepté mercredi par 24 voix contre 15 celle que l'on surnomme la Lex USA ou Lex Americana.

La loi d'exception proposée par les Etats-Unis veut suspendre le droit suisse pendant une année pour permettre aux banques de régler leur différend fiscal avec Washington. Le Conseil national se prononcera la semaine prochaine sur le sujet. Jeudi, la presse suisse reste très contrastée sur le vote de certains conseillers aux Etats.

L'édito commun de 24 heures et de La Tribune de Genève ne manque par exemple pas de fiel pour critiquer le choix des élus de la Chambre haute, perçu comme une nouvelle trahison: «Pour sauver ses banques, la Suisse a tué son secret bancaire, investi des milliards pour UBS, violenté ses institutions et vient de sacrifier la crédibilité de ses politiciens».

Le commentaire vise en particulier les membres éparses de l'UDC, du PS et du PLR qui ont fait volteface au dernier moment, après avoir juré pendant des semaines qu'ils refuseraient d'imposer à la Suisse le «diktat» américain.

Un vote lâche

Ce geste a manqué de courage et ne restera pas sans conséquence, prédisent encore les journaux valdo-genevois. Car l'Union européenne «s'engouffre déjà dans la brèche» en ayant envoyé une demande d'échange automatique d'informations bancaires. Et les premières victimes de ce sombre avenir sont déjà toutes désignées: les clients et les employés des banques helvétiques.

Le Temps évoque lui aussi «une brèche ouverte», mais avance une stratégie: «Fermons-là rapidement en usant, cette fois, d'une vraie stratégie avec l'Europe et l'OCDE, dont le cœur doit être l'accès au marché sur une base concurrentielle loyale et transparente. C'est de cela que le parlement doit parler rapidement».

Un calcul politique noble

Plus compréhensif sur le vote du Conseil des Etats, qualifié de «calcul politique noble», le quotidien estime que la loi d'exception a au moins le mérite de mettre fin à «une insécurité juridique» qui menaçait l'existence même de l'industrie bancaire helvétique, en ébranlant son principe de confiance. L'accord permettra d'éviter l'isolement et le déclin de la place financière et «l'effet domino d'une crise à répétition».

La menace de ce sombre tableau a fait basculer les quelques votes décisifs mercredi, analyse pour sa part La Liberté. Et c'est sur une liste de conséquences désastreuses en cas de refus de la loi que s'est appuyée Eveline Widmer-Schlumpf pour convaincre les indécis.

«Pauvres parlementaires qui ont le choix entre le saut dans la gueule du lion (...) et le saut dans l'inconnu. Qu'ils se souviennent malgré tout que la peur est mauvaise conseillère. Et qu'une capitulation sans gloire ne mettra pas la Suisse à l'abri de nouvelles attaques», prévient le quotidien fribourgeois.

Car nos futurs adversaires attendent justement la réponse politique de la Suisse pour avancer leurs pions, rappelle le Tages-Anzeiger. Le quotidien zurichois cite le ministre du Budget français Bernard Cazeneuve, mais aussi la chancelière allemande Angela Merkel. «Nous sommes et nous restons faciles à faire chanter», se désole encore l'édito du jour.

Attaque contre Widmer-Schlumpf

Et le journal de critiquer vertement la ministre des finances qui a usé de la menace pour convaincre, alors que le problème de l'argent sale reste sur la table: «Si le bilan d'Eveline Widmer-Schlumpf n'avait pas été aussi faible sur ce dossier depuis 2009, son usage de la force n'aurait pas été nécessaire hier», conclut le Tagi.

En évitant la polémique du jour, Le Matin appelle de son côté à passer à l'action. Il faut que les personnes qui ont traîné la Suisse dans ce bourbier paient. Car celles-ci présentent depuis trop longtemps aucune forme de remords. «Il est temps que le Parlement tourne la page de ses amitiés bancaires et change de ton. En marge de la Lex USA, les élus doivent aller plus loin.»

Le commentaire évoque des propositions avancées par certains partis, à l'instar de l'interdiction du métier de banque aux responsables concernés et l'assurance que les amendes ne pourront pas être déduites du fisc.

Loin des critiques lancées par 24 heures et La Tribune de Genève, l'Aargauer Zeitung estime qu'il faut au contraire remercier les politiciens «dissidents» qui se sont éloignés hier de la ligne de leur parti.

Critiques du PLR et de l'UDC

Ces «libres-penseurs» se font toutefois plus rares dans la Chambre basse, poursuit le quotidien, où «la pression de voter en conformité avec son parti est plus grande». L'édito exhorte donc les élus du National à sauver la place financière suisse, et, en pointant l'UDC, à éviter les règlements de comptes personnels avec la ministre des finances.

Blick se tourne lui aussi déjà vers le vote du Conseil national, attendu la semaine prochaine. Pour le tabloïd, le rôle du PLR sur le dossier est lamentable, car la formation de droite se comporte comme un parti d'opposition, lâchant par la même occasion sa stature étatique et son sens des responsabilités. Blick attend donc de lui plus de consensus lors du prochain vote.

Même constat dans le Bund, qui salue au passage les quatre socialistes qui ont accepté la loi d'exception. Pour le quotidien bernois, l'UDC et le PLR n'ont pas pris leurs responsabilités en main en optant pour le refus de l'accord.

«Ils ont fait preuve de courage, mais au mauvais endroit», résume l'édito. En exigeant que le Conseil fédéral tranche seul sur le dossier, sans loi, ils ont souhaité se débarrasser du «sale boulot», sans en assumer les conséquences. Suite au prochain épisode! (Newsnet)

Créé: 13.06.2013, 13h07

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