
La répartition de départements se discute ces jours, et la presse locale (L’Express/L’impartial) évoque avec insistance l’hypothèse qu’Yvan Perrin devrait devenir ministre de l’Education, de la culture et des sports. Tollé parmi les enseignants. Un syndicaliste n’hésite pas: «On jette l'éducation en pâture à un extrémiste en politique!» Interview de l'intéressé.
Le Matin – Yvan Perrin au Département de l'éducation, de la culture et des sports, ce n’est encore qu’une hypothèse, mais elle ne plaît pas. Surpris des réactions?
Yvan Perrin – Non. Lors de la dernière législature, on avait déjà vu les réactions des syndicats d’enseignants face aux réformes du PLR Philippe Gnaegi: il y était dépeint comme le mal absolu. Alors imaginez, avec l’arrivée d’un UDC, c’est encore pire! Mais rien n’est encore fait. Pour le coup, je me dis qu’ils auraient pu attendre un peu avant de m’éreinter (rires).
Au-delà de cette polémique, est-ce que ce département de l’éducation vous plairait?
Je m’accorderai volontiers au département que le gouvernement voudra bien me confier. Mais l’éducation, oui! C’est un magnifique défi à relever. Et l’on connaît les enjeux et problèmes liés à ce secteur clé de notre société.
Vous vous sentez la poigne pour diriger ce département très émotionnel, puisque vos «clients» seront les enfants qu’on vous confie?
Oui, mais le conseiller d’Etat en charge verra son action et son influence fortement réduite s’il est confronté à un corps enseignant qui fait de la résistance. Je croyais que la fonction publique avait un devoir de réserve: or je constate qu’on clame même qu’il n’existe pas d’instituteur UDC. C’est un bel exemple de terrorisme intellectuel.
Mais vous en connaissez, vous, des instituteurs UDC?
Je n’en connais pas qui soit encarté au parti. Mais je connais des instituteurs qui ont voté pour moi. Et j’en sais un certain nombre qui ont des positions proches de celles de l’UDC, mais qu’ils préfèrent taire. Quand un jeune instituteur démarre dans le métier, il a tout intérêt à se fondre dans le moule et à adhérer au syndicat majoritaire. C’est la garantie de faire une belle carrière!
Pourquoi, selon vous, le milieu des enseignants est si réticent aux positions de l’UDC?
Car toute une génération a été fortement influencée par Mai 68. Et que nos positions en matière d’éducation sont aux antipodes. D’ailleurs, quand nous avons présenté notre politique sur l’école, tous ont fustigé le retour du maître d’école rétrograde. Il n’empêche que, dans les classements PISA, Neuchâtel est rarement aux meilleures places. Nous présentons dans les branches de base – orthographe, lecture, mathématiques – de sérieux déficits. Mais parler d’une simple remise en cause, c’est déjà beaucoup demander au milieu des enseignants.
Certaines des positions de l’UDC sur l’école ont de quoi crisper, non? Vous vous opposez au temps partiel dans le primaire, qui permet à tant de femmes formées de travailler.
Au primaire, moi aussi, je préfère que les enfants n’aient qu’un seul interlocuteur. Ce n’est pas sain qu’ils soient otages d’une valse d'instituteurs durant la journée. L’élève, surtout dans les premières années de sa scolarité, doit pouvoir identifier clairement qui est le détenteur du savoir et de l’autorité.
Vous forcez le trait. Le cas le plus fréquent, ce sont des deux institutrices qui se partagent un temps plein.
Evidemment, deux mi-temps avec des horaires clairs, je peux vivre avec… Et surtout cela me semble raisonnable pour les enfants. En primaire, je le pense, ils ont besoin d’un répondant.
Gardez-vous un bon souvenir de votre scolarité?
Excellente. A part une année plus problématique, je n’ai que des bons souvenirs. Surtout au gymnase: c’était le top! La matière, le cadre, les enseignants, l’équipe qui m’entourait… Tout a contribué à ce que je passe trois années merveilleuses.
Vous n’avez pourtant pas poursuivi après la maturité, serait-ce une tare ou une chance de diriger l’éducation sans être universitaire?
Est-ce qu’il faut avoir fait de la prison pour diriger le département en charge de l’application des peines? On ne peut pas avoir testé tous les domaines qui vous incombent quand vous héritez d’un département dans un canton. Mais effectivement, à entendre certains commentaires, on dirait que c’est une tare. C’est la preuve qu’il y a un certain mépris pour les professions manuelles.
Justement, l’éducation comporte aussi l’apprentissage. Neuchâtel connaît un problème avec de nombreux jeunes qui ne trouvent pas de place. L’expliquez-vous?
On a élevé de plus en plus les exigences pour les formateurs d’apprentis. C’est un vrai problème. S’il faut mobiliser le 100% du temps d’un maître d’apprentissage pour encadrer l’apprenti et remplir de la paperasse administrative, de nombreuses PME ne peuvent pas se le permettre et renoncent à engager. Je suis évidemment pour une formation de qualité, mais on doit laisser une marge de manœuvre aux maîtres d’apprentissages. On a tout de même formé des professionnels reconnus pendant des décennies sans exiger des maîtres d’apprentissage qu’ils passent leur temps à suivre eux-mêmes de cours. Le système actuel décourage les bonnes volontés. (Newsnet)
Créé: 23.05.2013, 11h27
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