vendredi 9 août 2013

«Ça m’a fait une psychanalyse gratuite!»

«Ça m’a fait une psychanalyse gratuite!»

«Le Matin» livre en exclusivité les confidences du vieux lion UDC et de son entourage sur le documentaire qui a été tourné sur lui. Le suspense est savamment entretenu par le réalisateur vaudois Jean-Stéphane Bron. Il ne soufflera mot sur les deux ans qu’il a consacrés à son documentaire sur Christoph Blocher avant la première mardi prochain au Festival de Locarno. Rarement autant d’accréditations de journalistes politiques auront été délivrées pour le rendez-vous cinéma de l’année en Suisse. Et rarement un film aura autant échauffé les esprits avant même d’être dévoilé, une certaine gauche enrageant de voir de l’argent public injecté dans un film qui fera coûte que coûte de la pub au milliardaire de l’UDC.

Le principal intéressé, lui, préfère en sourire. «M. Bron a vraiment voulu tout savoir de ma personne, ça m’a fait une psychanalyse gratuite!» nous confiait Christoph Blocher il y a quelques mois, alors qu’il venait de voir une ébauche du film. «Juste pour vérifier des faits, précisait-il. Le réalisateur doit rester libre.»

Une confiance surprenante

Comment cette relative confiance a-t-elle pu s’instaurer entre le vieux lion UDC et le réalisateur romand à succès plutôt catalogué à gauche? «J’ai été moi-même étonné de l’ouverture de M. Blocher face au projet, alors qu’il ne savait pas ce que serait le résultat», raconte Livio Zanolari, ex-conseiller en communication du politicien le plus connu et redouté de Suisse.

Ciblé sur l’humain

Il y a deux ans, c’est le même Livio Zanolari qui a servi d’intermédiaire entre les deux hommes. Selon lui, «M. Bron a étonnamment montré qu’il ne voulait pas ressasser les dossiers politiques mais focaliser sur sa personne.» C’est ainsi que le cinéaste romand a pu suivre Blocher jusque dans son intimité, obtenant même de faire installer une caméra fixe dans sa voiture. «M. Bron nous a suivis dans des moments forts au niveau politique comme les élections fédérales de 2011 ou la crise avec les Etats-Unis, confie encore Livio Zanolari. Mais il ne posait pas de questions sur ces sujets, son approche étant volontairement non journalistique.»

Alors à quelle sauce Bron a-t-il finalement apprêté son portrait de Blocher? Empathique, froidement clinique, ironique? Sans déflorer le film, une source qui a eu le privilège de le voir confie que le réalisateur a pour la première fois recouru au commentaire en voix off, ce qui marque une distance critique par rapport à son sujet. Dans ses précédents documentaires – «Maïs im Bundeshaus» et «Cleveland contre Wall Street» –, le réalisateur n’apparaît en effet pas du tout et laisse le spectateur seul juge.

Auteur d’un livre et d’une émission de télévision hebdomadaire avec Blocher, le chroniqueur alémanique Matthias Ackeret estime que le cinéaste romand ne pouvait se passer de «piques critiques» pour rester crédible. «Je trouve génial qu’un Romand de gauche ait osé s’attaquer à un tel portrait, dit l’expert du «Blocher-Prinzip». Et j’ai senti que Blocher a été touché qu’on lui consacre une telle œuvre.»

Ni procès ni panégyrique

Livio Zanolari se montre tout aussi enthousiaste, même s’il n’a pas vu non plus le résultat final: «Ce film va permettre de découvrir le personnage extraordinaire qu’est Blocher au-delà de la politique.» La présentation officielle du film promet, elle, qu’on va savoir «comment le fils d’un pasteur pauvre va devenir un industriel à succès, bâtir une fortune colossale, et conquérir près d’un tiers de l’électorat».

A cinq jours de la projection de «L’expérience Blocher», il apparaît que la polémique n’est pas près de retomber. Car le film de Bron n’est visiblement ni le procès de Blocher – attendu par ses ennemis – ni l’ode naïve et tendre dont peuvent rêver les fans du populiste en chef. En Suisse romande, chacun pourra se faire une idée dès le 30 octobre, date de la sortie du film en salles. (Le Matin)

Créé: 09.08.2013, 10h59

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