jeudi 15 août 2013

«Je veux accélérer l'enquête»

«Je veux accélérer l'enquête»

Après la perquisition effectuée au domicile du journaliste du «Matin» Ludovic Rocchi, la conseillère d’Etat neuchâteloise Monika Maire-Hefti veut en finir au plus vite avec le scandale de l’Université. «Ce dossier a assez traîné: je veux accélérer le mouvement.» Cette fois, la conseillère d’Etat neuchâteloise Monika Maire-Hefti (PS) a compris que la torpeur des vacances est derrière elle. La ministre de l’Education va devoir empoigner à bras-le-corps les enquêtes administratives sur la pétaudière qui couve depuis trop longtemps au sein de la Faculté des sciences éco-nomiques de l’Université de Neuchâtel.

Au lendemain de la perquisition effectuée mardi matin au domicile du journaliste du «Matin» Ludovic Rocchi, qui a révélé de graves dysfonctionnements à l’Université («Le Matin» d’hier), Monika Maire-Hefti passe donc à la vitesse supérieure: «L’ordre a été donné aux mandataires privés recrutés hors du canton de mettre les bouchées doubles et de rendre leurs conclusions avant la rentrée universitaire de mi-septembre.»

La ministre promet des décisions courageuses

«C’est mon prédécesseur Philippe Gnaegi qui a ordonné l’ouverture de deux enquêtes administratives juste avant de quitter son poste, rappelle la socialiste entrée en fonctions le 28 mai, après les élections. Si les conclusions sont claires, les décisions politiques seront courageuses», promet-elle.

Monika Maire-Hefti n’est pas la seule à trouver que le cirque a assez duré. Président de la Commission de gestion, le député Jacques Hainard (PS) demandera des comptes au gouvernement: «A la rentrée, j’aurai des questions à poser sur le fonctionnement des institutions.»

La priorité, pour l’ethnologue reconverti en politicien, ce n’est pas de connaître les sources du journaliste, mais de savoir tout d’abord si les révélations du «Matin» au sujet du plagiat reproché au directeur de l’Institut de l’entreprise de la Faculté des sciences économiques sont confirmées officiellement. Jacques Hainard veut des actes: «Normalement, c’est une question qui se règle en quarante-huit heures. Et nous n’avons toujours pas la réponse. J’attends de notre conseillère d’Etat une décision rapide.»

Le socialiste n’est pas le seul à critiquer le retard pris dans les enquêtes administratives: «On attend les résultats en se disant que des mesures devront être prises», indique le député PLR Fabio Bongiovanni, président de la Commission judiciaire.

Moral atteint

Pour le vice-recteur de l’Université Pascal Mahon, «le calendrier est dicté par des avocats, sachant que le droit de se défendre vaut pour chacun». Mais le rectorat souhaite aussi une conclusion rapide de l’enquête: «Plus l’enquête tarde, plus la sérénité sera difficile à rétablir.»

L’avocat du professeur impliqué dans l’affaire du plagiat se défend de ralentir la procédure: «Nous avons rendu nos arguments concernant le plagiat: les enquêteurs ont tout en main pour rendre une décision claire», indique Michel Bise. En attendant, à l’Université, le directeur de l’Institut de l’entreprise est en congé maladie depuis la dernière session d’examens. «Mon client est extrêmement affecté par cette affaire, explique son avocat. Il n’a pas pris qu’un coup au moral, mais plusieurs!»

Le professeur incriminé sera-t-il à son poste à la rentrée? Rien n’est moins sûr, même si sa suspension jusqu’aux conclusions des enquêtes n’a pas été évoquée par la rectrice Martine Rahier, qui ne s’exprime pas pendant ses vacances à l’étranger. En son absence, le vice-recteur Pascal Mahon temporise: «Respectons la présomption d’innocence, laissons l’enquête se poursuivre et tirons ensuite des conclusions dans la sérénité.»

Témoins critiques

La sérénité, voilà ce qui fait défaut depuis une année dans cette affaire qui traîne en longueur et ne cesse de s’envenimer, plusieurs professeurs ayant pris des avocats. Pourtant 1000 heures de travail d’experts externes ont été consacrées à une première enquête interne.

Vivement critiquée par de nombreux témoins auditionnés, elle n’a pas suffi à calmer le jeu et prendre des mesures. D’où les enquêtes administratives finalement ordonnées par le Conseil d’Etat. Elles ne portent que sur deux soupçons: le plagiat dont le directeur de l’Institut de l’entreprise se serait rendu responsable et le mobbing dont il aurait été victime de la part de collègues.

La peur des fuites

Alors que le ménage n’est toujours pas fait à l’Université, l’entrée en scène musclée de la justice neuchâteloise dans ce dossier ouvre un nouveau front, qui dépasse d’ailleurs largement les frontières du canton. Les perquisitions effectuées jusqu’au domicile du journaliste à l’origine de l’affaire se justifient-elles?

Pour Michel Bise, auteur de la plainte contre Ludovic Rocchi pour diffamation, calomnie et violation du secret de fonction, la perquisition ordonnée chez le journaliste se justifiait, comme celle qui s’est déroulée à l’Université: «Après plusieurs violations du secret de fonction dans le canton, il fallait empoigner ce problème une bonne fois pour toutes en remontant jusqu’aux sources.» C’est aussi l’analyse du député Olivier Haussener: «Enquêter sur les sources d’un journaliste, ce n’est pas admissible, mais des fuites ont provoqué tellement d’affaires…».

Silence gêné

Pour Jacques Hainard, par contre, rien ne justifiait une perquisition chez un journaliste: «Cette intervention est inadmissible et je l’ai très mal vécue», indique le président de la Commission de gestion. Au Château de Neuchâtel, siège du gouvernement, ni le patron de la Justice, Alain Ribaux, ni la cheffe de l’Education, Monika Maire-Hefti, ne souhaitent commenter l’empressement du procureur Nicolas Aubert, en vertu de la séparation des pouvoirs. (Le Matin)

Créé: 15.08.2013, 08h56

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