jeudi 23 mai 2013

«Je ne peux plus faire le fou»

L’alcool fait aussi des ravages chez les personnes âgées. Certains EMS, comme celui du Clos des Tzams, à L’Etivaz (VD), ont brisé ce tabou et choisi d’encadrer la consommation. L’ambiance est plutôt calme ce matin-là dans le chalet du Clos des Tzams, à L’Etivaz (VD). Il est 10 h et les 13 résidents de cet EMS posé au milieu des montagnes vaquent à leurs occupations. Ils sont nombreux devant la télévision, alors que l’un d’eux se démène dehors, avec en tête de bricoler quelque chose dans le jardin. Claude-Ami vit ici depuis 3 ans. «Depuis deux opérations successives du genou qui ne m’ont plus permis de vivre seul», explique-t-il, assis sur son lit. Cet homme de 71 ans fait partie des pensionnaires qui présentent un comportement problématique vis-à-vis de l’alcool. Auparavant, il sortait régulièrement de l’établissement, prenait le bus jusqu’à Château-d’Œx et s’enivrait au sein même du magasin où il achetait ses bouteilles. A plusieurs reprises, les responsables de la structure ont dû venir le chercher. Mais ça, c’était avant. Avant que l’établissement ne mette en place un dispositif visant à encadrer la consommation d’alcool de ses pensionnaires, accompagné pour cela par la Fondation vaudoise contre l’alcoolisme.

Un verre de rouge à midi

Pas question pour le Clos des Tzams d’interdire purement et simplement la boisson ainsi que les sorties à ses pensionnaires. «La liberté individuelle est à nos yeux très importante», explique Serge Gétaz, directeur de Cogest’ems, société qui gère, entre autres, cet établissement. «La première étape a été de mettre tout le personnel d’accord. Alors qu’auparavant chacun y allait de sa propre interprétation. Nous avons donc opté pour un verre de rouge à midi. Tout en faisant preuve de souplesse. Nous devons nous adapter à chaque cas.»

5 francs par jour

Ainsi, une petite mamie ne boit pas à midi, mais préfère son verre de vin avant de se coucher, «pour se détendre». Un autre buvait 7 litres de rouge à son arrivée dans l’établissement. Il bénéficie donc d’une plus grande marge de tolérance et grâce à un encadrement adapté, il a baissé sa consommation à 1 ou 2 litres quotidiens. Comment le Clos des Tzams est-il parvenu à ces résultats? «Il faut gérer la consommation à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur de l’établissement», répond Sylviane Clot, la responsable de la structure. «Nous avons la chance d’habiter un petit village, où nous avons pu sensibiliser les commerçants. Ceux-ci se sont montrés très compréhensifs et coopératifs. Ils ne les servent pas au-delà du raisonnable.» Autre mesure: une nouvelle façon de distribuer l’argent aux pensionnaires. «Chaque mois, les résidents reçoivent au moins 240 francs pour leurs dépenses personnelles. Pour ceux qui ont des problèmes de consommation, nous ne leur donnons que 5 francs par jour. De cette façon, ils peuvent aller boire une bière dans l’après-midi, mais pas plus», détaille Serge Gétaz.

La bière contre l’ennui

Réaction des principaux intéressés: «Avant, je sortais, mais parfois je buvais trop», reconnaît Claude-Ami. «Aujourd’hui, je ne peux plus faire le fou: je n’ai plus d’argent, je n’ai plus le droit d’aller à la Coop, ni d’aller dans le poulailler à côté de la maison où un ami cache des bouteilles.» Claude-Ami aimerait quand même pouvoir descendre à Château-d’Œx plus souvent. «L’après-midi, je trouve le temps long. Même si on a le thé à 15 h», soupire-t-il. Serge Gétaz admet encore «quelques dérapages», mais pour lui l’objectif est atteint. «Il est terriblement difficile de trouver un positionnement juste. Je pense que nous avons trouvé le bon compromis.» Délicat en effet de placer le curseur au bon endroit entre le sevrage brutal et le laisser-faire indifférent vis-à-vis de comportements autodestructeurs. (Le Matin)

Créé: 23.05.2013, 14h25

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