lundi 10 juin 2013

«Mon patient voulait mourir»

La justice reproche à un médecin neuchâtelois d’avoir aidé son patient à mourir. A 89 ans, ce dernier refusait qu’on le soigne. S’il fallait le refaire, «je prendrais la même décision pour ce cas particulier. La souffrance de mon patient était invivable», a déclaré le Dr Philippe Freiburghaus, hier matin, face à la juge du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers à Boudry (NE). Ce médecin généraliste a accepté d’aider son patient de 89 ans à mourir. Il lui a fourni une ordonnance de Pentobarbital de sodium, le barbiturique légalement prescrit en Suisse pour les suicides assistés. Ainsi le malade a pu faire appel à Exit. Mais le Dr Freiburghaus n’a pas pu poser un diagnostic définitif sur la maladie de son patient, car «il refusait que je le touche». «Je me suis heurté à une telle détermination de la part de mon patient qui voulait mourir et à son refus si catégorique de tout diagnostic, qu’Exit était la moins mauvaise solution», a reconnu le professionnel.

Une tumeur supposée

Le presque nonagénaire a une première fois tenté de se suicider par ses propres moyens. Il souffrait de faux besoins, «il avait une envie constante d’aller à selle sans jamais pouvoir se soulager» explique le médecin traitant, qui le suivait depuis 2003. Ce symptôme est lié «vraisemblablement à une maladie tumorale anorectale, soit un cancer de la zone rectale». C’est ce qu’en a conclu le Dr Freiburghaus dans son certificat médical suite à la discussion qu’il a eue au chevet de son patient. «Son épouse m’avait appelé, raconte le Dr Freiburghaus, car son mari avait tenté de se sectionner les veines. Quand je me suis rendu chez lui, je l’ai trouvé au lit, le drap tiré jusqu’au menton. Il ne voulait aucun soin et souhaitait mourir. Il m’a prévenu qu’il arriverait à ses fins soit en se défenestrant, soit en se tirant une balle dans la tête.» L’homme âgé, subissant nuit et jour ces symptômes insupportables, a refusé tout examen complémentaire dont une côlonoscopie, proposée par son médecin, afin de poser un diagnostic définitif. Le 11 février 2011, en accord avec sa famille, le malade s’en est allé dignement.

Durant l’audience, le procureur Marc Rémy, qui requiert une peine symbolique de 500 francs, a insisté sur «la ligne blanche que le médecin a dépassée. En prescrivant cette ordonnance, il n’a pas respecté les directives déontologiques, soit la présence d’une maladie incurable établie et une fin de vie proche. Face au refus du patient d’être soigné, le médecin avait le devoir de refuser de l’aider.» Si la défense a plaidé l’acquittement, l’avocat Yves Grandjean a mis en lumière l’acharnement du procureur neuchâtelois à faire de ce cas un exemple. Il a rappelé une question centrale: «Que doit faire un médecin quand un patient refuse d’être soigné?» Une réponse qui ne se trouve ni dans les règles déontologiques, ni dans les bases légales suisses, qui restent mystérieusement floues. Le jugement sera rendu le 8 juillet. (Le Matin)

Créé: 11.06.2013, 07h11

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