Conseiller national PLR, Christian Lüscher est aussi avocat à Genève. Il soutient fermement les mesures d'urgence adoptées le 28 septembre dernier dans le cadre de la révision de la Loi sur l'asile.
RTSinfo: Un consensus politique se dégage concernant l'asile: les procédures doivent être accélérées. Or pour les référendaires, la révision de cet automne comprend surtout des durcissements. Le délai de recours, par exemple, passe de 30 à 10 jours. Cela raccourcit la procédure, mais au détriment des droits des requérants...
Christian Lüscher: Il faut être pragmatique. Je le vois bien dans mon métier. Le délai ne change rien. Que vous ayez 30, 20 ou 10 jours, de toute façon vous commencez le recours 2 jours avant la fin du délai. Et en 10 jours, vous avez le temps de prendre contact avec un mandataire qualifié, de décrire votre situation et de déposer le texte.
Et que dire du délai pour les non-entrées en matière qui passe à 5 jours?
Avec les associations qui sont sur le qui-vive pour assister les requérants, ça ne change rien.
Concernant les centres "spécifiques" pour requérants récalcitrants, ne constituent-ils pas une punition arbitraire, sachant que la décision est prise sans jugement?
Pourquoi estimer que celui qui dirige le centre va commettre des actes arbitraires? On sait tous ce que signifie le terme "récalcitrant"! Il faut partir du principe que c'est le bon sens qui prévaut. A Champ-Dollon, les détenus qui se comportent mal vont dans des cellules spéciales sans qu'un juge interfère. Donc je ne vois aucun problème à ce que les requérants qui ont un comportement inadéquat aillent dans des centres spéciaux.
Vous comparez le sort des requérants à celui des détenus. Vos opposants n'ont-ils pas raison de craindre que ces "centres spécifiques" s'apparentent à des "camps"?
Contrairement à ce qui se passe en prison, j'imagine que ces requérants récalcitrants auront le droit de se balader librement dans le centre. Et il ne faut pas oublier que le but est de mettre la population, ainsi que les requérants qui se tiennent bien, à l'abri de ceux qui se comportent mal...
Les Eglises suisses dénoncent une atteinte à la dignité humaine...
Ces personnes sont nourries, logées et bien traitées.
N'est-ce pas exagéré de mettre en détention un requérant simplement parce l'exécution de son renvoi est imminente?
C'est le devoir des autorités suisses de faire en sorte que les décisions soient exécutées. Donc ça ne me pose aucun problème.
Il n'est plus possible de déposer une demande d'asile dans une ambassade, option qui a permis de sauver plus de 3000 personnes depuis 1980. N'est-ce pas contraire à notre tradition humanitaire?
On ne fait qu'appliquer ce que font déjà nos pays voisins...
Que dire au Syrien qui déposerait une demande en Jordanie?
S'il est en Jordanie, il peut y rester! Ce qui n'empêchera pas la Suisse, par exemple, d'aider financièrement à la mise en place de camps provisoires. Ce qu'elle fait en ce moment d'ailleurs.
Pourquoi ne plus considérer le refus de servir et la désertion comme des motifs d'asile?
Dans 90% des pays, dont la Suisse, la désertion est sanctionnée.
En Erythrée, certains sont torturés quand ils fuient l'armée, d'autres quand ils y sont...
C'est en toute connaissance de cause et avec l'accord du Conseil fédéral que nous, parlementaires, avons décidé que la désertion ne pouvait plus, en soit, constituer un motif d'asile. Mais une personne peut toujours demander l'asile si elle prouve que sa vie est en danger.
Le Conseil fédéral peut déroger à la Loi sur l'asile et à la Loi sur les étrangers pour tester de nouvelles procédures. N'est-ce pas lui donner trop de pouvoir?
On part du principe que le Conseil fédéral veut mettre en place une politique intelligente. Et qu'il n'y a aucune raison qu'il commette des abus. D'autant plus qu'il y a actuellement une impulsion des Chambres pour une accélération des procédures, ainsi qu'un durcissement.
Propos recueillis par Caroline Briner
Lire le point de vue des référendaires: "Les personnes vulnérables font les frais de la révision de la loi sur l'asile"
L'asile en chiffres
L'an dernier, 28'631 demandes d'asile ont été déposées en Suisse, ce qui correspond à une hausse de 27% ou de plus de 6000 par rapport à 2011.Le principal pays de provenance des requérants en 2012 est l’Érythrée avec 4407 demandes, suivi du Nigeria (2746 demandes), de la Tunisie (2239), de la Serbie (1889) et de l'Afghanistan (1386). La Syrie se trouve enfin en sixième position avec 1229 demandes.
La Suisse figure au 9e rang mondial des pays les plus concernés par les demandes d'asile. A titre de comparaison, les Etats-Unis (1er rang) ont enregistré 74'020 demandes en 2011, suivis de la France (51'910), de l'Allemagne (45'740) et de l'Italie (34'120).

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